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Elle dénoua son étroite ceinture de peau de cerf et s’en fit un nœud coulant.

Déjà, l’Algonquine se préparait à se lancer dans le vide, quand, soudain, elle étouffa un cri de joie.

Ayant baissé les yeux, elle découvrit un étang bâti par des castors.

Consciente du danger imminent qui l’attendait, elle se laissa choir plutôt qu’elle ne descendit de l’arbre.

Elle n’avait pas touché le sol que déjà, sans hésiter, la brave enfant se plonge dans les eaux glacées de cet étang.

Oroboa venait de disparaître quand les Iroquois parurent en même temps sur les lieux.

Leur étonnement fut tel qu’ils ne remarquèrent pas que les pistes de la fugitive s’arrêtaient à la pièce d’eau.

Convaincus que l’Algonquine, accablée de terreur et de désespoir, d’avoir été découverte, et n’osant pas aller se jeter dans les bras de ses ennemis, était revenue en toute hâte sur ses pas, ils ne s’arrêtèrent point à examiner la direction des pistes, et s’élancèrent à la poursuite de celle qu’ils cherchaient, bien certains, cette fois, de la prendre entre leur bourgade et l’endroit où ils se trouvaient.

Deux minutes plus tard, et la petite Algonquine serait morte de froid et de suffocation dans cet étang.

Pour se réchauffer, elle se mit à courir, ne se reposant que pour reprendre haleine.

Il y avait cinq jours et cinq nuits qu’Oroboa marchait à l’aventure, se dirigeant, le jour, par la mousse des arbres, et la nuit par les étoiles. Elle ne se nourrissait que de racines et de fruits sauvages qui avaient pourri sous la neige. Ses vêtements en lambeaux cachaient mal les grâces de son âge.

Un soir, comme elle allait traverser une petite rivière à la nage, sa curiosité fut éveillée par une peau d’ours qui sortait du sol détrempé par les pluies et la fonte des neiges.

Décrire sa joie à cette découverte est chose impossible. Elle avait compris aussitôt l’importance de cette trouvaille, pour elle qui se mourait de faim et qui n’avait plus que de sales guenilles pour se couvrir.

Et cependant, l’Algonquine n’avait vu qu’un coin de peau de bête fauve.

Avec une impatience fiévreuse, anxieusement, comme si elle appréhendait de s’être trompée, l’Indienne se mit à gratter la terre avec ses ongles.

Elle poussa un cri d’allégresse.

C’était bien une cache.

Quand, l’été ou l’automne, un Indien voulait faire une cache dans ses courses dans les bois pour n’être pas pris au dépourvu au retour, ou pour aider des amis qui connaissaient l’endroit exact, il commençait par enlever le gazon avec des précautions infinies. Il avait bien soin de déposer chaque pellée de terre sur un cuir quelconque. Une fois le trou creusé, l’Indien y cachait des provisions boucanées, des armes, des vêtements. Cela fait, le tout était recouvert d’une peau d’animal, de branchages et d’herbes sèches. Pour enlever à la terre l’odeur de terre fraîche, il imbibait cette terre ; autrement, les carnassiers alléchés par la senteur de la viande eussent pu déterrer la cache. Enfin, on foulait le sol, on replaçait le gazon, on redressait les herbes foulées, on jetait dans la rivière la terre que l’on avait déposée sur la peau.

Oroboa, avec l’intelligence et la sagacité des enfants de sa race, avait deviné sur-le-champ que ce coin de peau d’ours devait couvrir quelque cache faite l’été ou l’automne précédent. Celui qui l’avait creusée, n’avait pu revenir en cet endroit, ayant perdu son chemin ou étant tombé sous les coups de l’ennemi.

L’Algonquine trouva de la venaison de chevreuil boucanée, un arc et des flèches, une robe en peaux de castors et une hachette.

Comme elle était presque nue, elle se vêtit aussitôt de cette robe de castors. Cela fait, elle se mit aussitôt en quête de quelque tronc d’arbre abattu par la tempête.

Elle errait depuis dix minutes, quand, soudain, elle fit quelques pas en arrière, frappée d’horreur.

Étendu sur le dos, tenant à la main une hache toute rouillée, un squelette d’homme semblait regarder Oroboa, tandis que la cavité