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Page:Girard - L'Algonquine, 1910.djvu/56

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Maintenant, on n’entend plus que le bruissement des feuilles, le chant des oiseaux, et le bruit des voix qui approchent.

Un cri terrible déchire soudain les airs et sème l’épouvante dans les âmes. Ce cri est suivi de coups de feu. Dans le premier canot, plusieurs soldats s’abattent mortellement atteints.

Les Iroquois s’élancent dans le fleuve, ayant de l’eau jusqu’à la ceinture. Tout en combattant, ils attirent le canot jusqu’à la rive. Les Français et les Hurons des deux autres canots volent au secours de leurs camarades, quand, tout à coup, ils se voient enveloppés d’ennemis, les Iroquois qui s’étaient cachés dans le fortin, étant accourus sur le lieu du combat.

Dès le commencement de l’action, le comte d’Yville est atteint d’un coup de feu à l’épaule et d’une flèche qui lui laboure le front.

Il tombe sans vie dans les joncs.

Le combat fut sanglant et acharné de part et d’autre. Mais les Iroquois plus nombreux finirent par l’emporter. Giovanni fut fait prisonnier en même temps qu’un Huron.

Celui-ci avait fait une résistance désespérée avant de se laisser prendre. Il avait eu le bras cassé d’un coup de fusil, et, cependant, il n’en continuait pas moins à présenter à ses ennemis le pistolet qu’il était trop faible pour tirer.

Alors, il se jeta dans le fleuve, mais deux Iroquois le rejoignirent à la nage et le ramenèrent sur la rive, le traînant sur les roches, par les pieds.

Ce malheureux et Giovanni furent liés à un arbre.

Après les avoir dépouillés d’une partie de leurs vêtements, les vainqueurs leur charbonnèrent le visage.

Les captifs durent ensuite subir le supplice de la bastonnade.

Puis on tint conseil.

Il fut décidé que, au lever de la lune, le Huron serait brûlé à petit feu, et Giovanni tué à coups de couteau, les parties les moins vitales devant être atteintes les premières.

Le Huron fut brûlé une partie de la nuit, tandis que, apparemment insensible aux douleurs atroces qu’il endurait, il chantait courageusement son chant de mort, insultant à ses ennemis.

Ses bourreaux lui cassèrent les doigts, les coupèrent et en brûlèrent les extrémités dans des pipes.

Ils lui amputèrent le nez, les sourcils, les lèvres et les joues, et quand ils furent las de le torturer, ils lui ouvrirent la poitrine et lui arrachèrent le cœur dont ils mangèrent chacun un morceau.

Non satisfaits de ces atrocités, ils burent son sang, et après avoir dépecé les restes sanglants, ils les firent rôtir et les dévorèrent.

Giovanni, qui voyait pour la première fois de sa vie ce spectacle affreux, se demanda avec douleur s’il ne faiblirait pas devant la mort épouvantable qui l’attendait, et si le blanc, qui avait conquis ce pays montrerait moins de bravoure dans les tourments que l’indigène. Il allait bientôt le savoir.

Un jeune Iroquois, qui paraissait avoir le même âge que le captif, s’étant armé d’un coutelas, s’éloigna de Giovanni d’une dizaine de pieds. Alors, à la clarté brillante de la lune et du brasier à demi-consumé dans lequel avait péri le malheureux Huron, au milieu d’un profond silence, il visa.

L’arme décrivit dans les airs une courbe rapide et alla s’enfoncer dans le bras gauche de Giovanni. Le sang jaillit en un filet qui descendit le long du membre atteint.

Le prisonnier ne fit entendre aucune plainte.

Les chairs seules tressaillirent sous la violence de la douleur.

Un autre Indien lança son couteau. Mais au lieu d’atteindre la cuisse, la cible voulue, l’arme s’enfonça dans l’écorce de l’arbre en vibrant, tout près des mains ligotées.

Un troisième Iroquois se préparait à faire montre de son adresse, quand, soudain, un cri d’alarme, suivi de plusieurs autres, retentit vers la rive.

Alors Giovanni, sans perdre une seconde, arrache le couteau que le maladroit a planté dans l’arbre.