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FIN D’UN CÉLIBATAIRE

— Rodrigue, as-tu du cœur, fit Gaston avec une indignation d’un comique achevé.

Non, mais un autre atout qui te fera plus plaisir, répondit Rodrigue, en exhibant à son ami ébahi, ravi, bouleversé, le col doré d’une bouteille aux flancs rebondis comme une femme enceinte.

— Que dis-tu de ce petit bijou pour fêter le trentième anniversaire de ton illustre naissance ?

— Ah ! Rodrigue ! Rodrigue ! ce que c’est que d’avoir des bons amis, des vrais amis, des sincères amis ! Et Gaston, le cœur trop plein, déborda sur le sein de son bon, de son vrai, de son sincère ami.

— Allons ! allons ! c’est comme çà. Je venais mouiller ton anniversaire et je devrai maintenant sécher tes larmes, tes grosses larmes. Mais si l’on guérit le feu par le feu, le froid par le froid, je guérirai, moi, le liquide par le liquide.

Houst ! mon ami. Regarde-moi sauter ce bouchon et, impartial comme un doge, dis-moi, si ce n’est pas de l’extra sec ?

— La vérité parle par ta bouche

Et le Montebello coula mousseux, doré, en bouillonnant dans les verres comme une chute Niagara en miniature.

— À ta santé ! À la tienne !

Les verres se désemplirent et se remplirent jusqu’à ce que le cul de la bouteille eût été laissé aussi à sec