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POUR RÉGINE

Les premiers embrassements finis, la mère demanda :

— As-tu soupé, Pierre ?

— Non, mère.

Aussitôt, Mme Lefort étendit, sur la table, une nappe aussi blanche que les fleurs du pommier au printemps, elle servit une boulette de beurre plus jaune que l’or des moissons, un pain frais, du lard marbré de viande ; elle sortit du buffet un pot de conserves aux abricots, réservées pour les grandes circonstances de l’année, à Noël, au Jour de l’An, aux Rois, à Pâques, et lorsque Pierre, le cher enfant, venait voir ses parents.

L’étudiant, durant son souper, dût répondre à mille questions, dont quelques-unes l’embarrassaient extraordinairement ; par exemple, lorsque M. Lefort lui demanda si l’étude ne le fatiguait pas trop, si ses professeurs étaient contents de lui et satisfaits de son travail.

Pierre venait d’avaler sa dernière gorgée de café, lorsque, fatigué, harassé, torturé de cet interrogatoire et de la position fausse dans laquelle il se trouvait, dit avec effort :

Mon père, je veux abandonner la médecine.

Le vieillard sursauta sur sa chaise ; sa femme laissa tomber, par terre, sa tabatière et ouvrit la bouche avec ébahissement en ne pouvant articuler aucun son. Le sol se fût entr’ouvert sous leurs pieds qu’ils n’eussent pas été plus ahuris.