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Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/140

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Rédemption.

Claire n’écoutait pas. Lorsqu’elle se ressaisit, son amant l’embrassait.

— Claire, ma chérie, supplia-t-il, nous avons été prompts tous les deux. Allons ! il faut recimenter notre amitié, je veux dire notre amour. Te reste-il du vin ?

La jeune fille ne sortait pas de son mutisme. Enfin elle leva les épaules avec un geste qui voulait dire : Bah ! vogue la galère !

— Non, je n’en ai plus, répondit-elle.

— Alors, sortons, j’ai l’estomac dans les talons. Où allons nous souper ! chez Guertin, au Café Turc, ou à l’Oriental ?

Avec son humeur capricieuse, Claire avait tout à coup changé de dispositions à l’égard de son amant. Elle avait tant souffert cette nuit-là, qu’elle voulait oublier, oublier tout, jusqu’à sa honte.

— Où vous voudrez. Disons au Café Turc. Là, du moins, les garçons mettent de l’intelligence dans le service. Quelle heure est-il ? Minuit quarante, ajouta-t-elle en regardant à un cartel en bois avec appliques en bronze ciselé et doré.

— Aidez-moi donc à lacer mes bottines.

Cinq minutes plus tard, tous deux étaient dans la rue.

M. Larivière, pour plus de prudence, avait relevé le collet de son pardessus, et rabattu son feutre sur ses yeux. Il avait si peur d’être reconnu, qu’il marchait à quelques pas en avant de sa maîtresse.

Cependant, comme ils étaient dans le quartier anglais, il n’y avait pas grand danger pour eux d’être reconnus.

— D’abord, dit Claire au garçon en pénétrant dans le cabinet où elle avait soupé plus d’une fois, servez-nous à chacun deux douzaines d’huîtres sur écailles, avec une bouteille de sauterne.

— Ca vous va ? ajouta-t-elle, en se tournant vers le rédacteur religieux.