Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
Rédemption.

— Votre humble serviteur, fit-il en s’inclinant avec un sourire mielleux.

— Encore du sauterne ? demanda-t-il, au cours du souper.

— Non, merci. Ordonnez donc de la mayonnaise au homard et du champagne frappé.

Claire, après qu’elle eût fait droit à son appétit de soupeuse, voulut partir aussitôt.

Toute ébouriffée, les joues en feu, les veux languissants, la bouche pâteuse, la matinée mauve en crêpe de Chine tachetée de vin, elle était arrivée au pied de l’escalier.

Tout à coup, elle porta, avec un frémissement, la main à sa gorge et chancela. M. Larivière la soutint du mieux qu’il put.

Elle voyait, lui barrant le passage, un grand jeune homme, beau d’une beauté triste et mâle, tout vêtu de noir, une valise à la main.

— Réginald !

— Claire !

Les yeux de Réginald ayant rencontré ceux de Claire, sa tristesse s’était accentuée.

Sans ajouter un mot, il s’effaça pour laisser passer la jeune fille et monta l’escalier.

Comment se trouvait-il si tard an Café Turc ? Un accident avait retardé l’express, dû à Montréal à 7 heures. C’est ce train que Réginald avait pris à Campbellton. Comme il mourait de faim, il avait commandé au cocher de place d’arrêter à un café quelconque.

Et voilà comment le hasard l’avait mis en présence de Claire Dumont dans les bras de la débauche.

Tout à fait dégrisée, maintenant, par ce regard douloureux qui avait transpercé son âme, Claire dit en montant dans un des fiacres qui stationnaient à la porte du café :