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Rédemption.

L’abîme ouvert à mes pieds m’épouvanta. Plutôt que de reporter mes regards vers le Ciel, je m’accrochai désespérément à la terre.

Un homme, le dernier que j’eusse attendu, M. Larivière, rédacteur du « Labarum », m’ouvrit les bras. J’y tombai.

Il y a trois mois que je mène avec lui une vie dont je rougis chaque jour davantage. La nuit même que je vous ai rencontré, j’ai voulu le chasser d’ici. Il m’a brutalement rappelé qu’il était chez lui. Alors je me suis efforcée de tout oublier, de m’étourdir, de trouver le calme dans la dissipation. Et voilà comment il se fait que vous m’avez aperçue dans cet état dégradant au pied de l’escalier du Café Turc.

Réginald avait écouté Claire sans l’interrompre. Lorsqu’elle parla du rédacteur du « Labarum » il se remémora les paroles de l’Évangile :

« Gardez-vous des scribes, qui se plaisent à se promener en longues robes, et qui aiment à être salués dans les places, à être assis aux premiers rangs dans les synagogues, et à tenir les premières places dans les festins ; qui dévorent les maisons des veuves, en affectant de faire de longues prières : ils en recevront une plus grande condamnation. »

Claire, lorsqu’elle eut fini la confession de ses fautes, attendit le front baissé, comme le coupable sa sentence.

Un silence écrasant lui répondit.

Alors, elle leva anxieusement les veux.

Le jeune homme pleurait.

Sans savoir ce qu’elle faisait, obéissant à la seule impulsion de son cœur, de sa douleur, de sa gratitude, elle tomba à genoux et, s’emparant d’une des mains de Réginald, elle la couvrit de baisers.

Que vous êtes bon ! s’écria-t-elle. Ah ! s’il était encore temps de m’amender, de me rendre digne de vos larmes. Mais les taches sont là ineffaçables.