Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/114

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se presse, se blottit, se cache comme s’il n’était pas invisible. Il se sent indiscret, et il n’en veut plus tant au ministre. Les torts que nous nous trouvons avoir envers une personne qui nous a offensé calment tout à coup nos ressentiments, surtout lorsqu’ils sont involontaires, que nous ne les avons pas choisis. Un caractère noble n’imagine qu’une noble vengeance ; il ne rêve que des cruautés dignes de lui. Les torts de hasard, les mauvais procédés de circonstances qu’il a envers son ennemi lui semblent au-dessous de sa haine, il en est honteux. Dans la loyauté de sa raison, il reconnaît que son ennemi n’a pas agi si mal que lui, et comme il est désenchanté de sa propre haine, il pardonne par humilité. Tancrède se reprochait sa conduite ; le ministre avait simplement manqué d’égards en l’accueillant légèrement ; mais lui manquait de délicatesse en le suivant à son insu comme un espion.

Tancrède se livrait à ces réflexions, lorsque tout à coup le ministre s’écria : — Messieurs…

Tancrède ne put s’empêcher de sourire, il