Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/225

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âme de candeur et de poésie le charmait ; c’était l’inspiration surprise dans ce qu’elle a de plus sublime ; c’était l’amour observé à sa naissance, dans sa pureté première, un amour vague et frais comme un feuillage de printemps ; c’était enfin le mélange le plus gracieux, un rêve passionné dans un cœur plein d’innocence, un regard de génie avec un sourire d’enfant.

Cette situation d’observateur invisible avait tant de charmes que Tancrède se plaisait à la prolonger, et pourtant il était déjà bien amoureux ; mais la tendresse qu’inspire une jeune fille est plus patiente ; on regrette pour elle cette sainte ignorance qu’un jour d’amour doit lui ravir : un adieu est toujours triste, même lorsqu’il conduit au bonheur.

Clarisse était joyeuse sans savoir pourquoi ; elle vivait dans une atmosphère d’amour qui l’enivrait. Tancrède invisible était souvent près d’elle ; cette présence voilée agissait sur son âme à son insu. Parfois une rapide apparition lui faisait entrevoir le gracieux fantôme ; elle souriait, elle s’était accoutumée à