Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/224

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s’était attaché à elle, en un jour, comme s’il la connaissait déjà depuis son enfance. Il l’avait trouvée si gentille, si simple, qu’il avait oublié qu’elle faisait des vers. Ce fut par vanité qu’il se le rappela. Ce rôle d’idéal qu’il se préparait à jouer flattait singulièrement son orgueil et le réconciliait avec sa trop grande beauté, avantage dont il avait tant souffert. En effet, c’était une noble ambition que de se faire l’Apollon d’une si charmante sibylle, que de réaliser de si poétiques chimères, de s’approprier de si beaux rêves, de dominer une imagination si pure ; enfin de se faire adorer comme ange — quand on possédait toutes les qualités d’un mauvais sujet.

Cependant comme Tancrède était au fond un très-honnête homme, il ne voulut pas risquer d’être aimé avant de savoir si Clarisse lui plairait assez pour qu’il consentît à enchaîner sa vie à la sienne, et il s’appliqua d’abord à l’observer mystérieusement. Cette observation ne le laissa pas longtemps dans l’incertitude. Chaque fois qu’il voyait Clarisse, il l’aimait davantage ; tout ce qu’il découvrait dans son