Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

silencieusement auprès des bourgs, de grands troupeaux de moutons et de bœufs… Pas un homme. Les animaux semblaient fuir d’eux-mêmes ce pays qui allait sombrer. Seule, l’auto d’un médecin courait essoufflée vers chaque nouveau malade comme vers un nouveau point qui lâche dans une couture ; il se hâtait ; mais tout effort désormais était inutile… tout déjà craquait ! J’allais, hypocritement tendre, dissimulant jusqu’au bout ma mission, caressant un paisible bœuf comme un dernier îlot de paix, frappant d’une canne amicale un arbre, comme une barrique au passage, un arbre qui était plein, qui résonnait à peine, un cher arbre… J’arrivai, je cognai à la porte ; une bougie s’alluma, vacilla, première petite flamme allumée au sinistre flambeau… Jolie besogne pour un fils d’annoncer la guerre à ses parents… Ils se penchèrent à la fenêtre, ils descendirent : la guerre ? Ils m’assurèrent que je me trompais. Savais-je ce qu’était la guerre ? Ils la combattaient en moi comme un