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sans sifflets cette fois, joyeux, interminables, et nos voisins nous forcent à nous lever, à saluer, — encore tout guindés,



L’orfèvre me montre six étudiants en robe, assis au premier rang des loges. L’Université a supprimé les concours de fin d’année avec l’Université rivale, les régates, le baseball, les courses au stade, mais le tournoi d’éloquence est maintenu et sera disputé lundi. Le sujet en est déjà connu : la France. De même que l’on nous emmenait du lycée avant la composition sur Britannicus ou sur Phèdre, observer à l’Odéon la vie et les habitudes de Britannicus lui-même, avec son nez en trompette, ses jambes arquées, ou la forme vivante de Phèdre, fille de Pasiphaé, qui débutait, surveillée des coulisses par sa mère, on leur a réservé des sièges d’où l’on peut nous voir de face. Du côté de Harvard, mon ami Davis, radieux et muet, car il sait de la veille que nos colonies ont la superficie de l’Union tout entière, et il rumine un tel secret ; Zimmermann, qui doit improviser en vers, radieux aussi car les trois noms des officiers français, par un prodige, valent le premier un spondée, le second un dactyle et le troisième un ïambe ; et un petit Israélite attentif qui, lui, pour ne rien perdre, a pris des lorgnettes. Ces trois de Harvard soutiendront que la France est un patrimoine commun aux peuples, et sera leur jardin, leur musée. Du côté de Yale, trois qui prétendent que la France, au contraire,