moi s’était trouvé dans les hôpitaux en Occident, sur les
navires en Orient. C’était de tous les Américains celui dont
la jeunesse ressemblait le plus à la mienne, car Ruth me
conta sa vie, et ce que je fus dans mon lycée sous un autre
nom je l’avais été dans cette école. On me montra son
dialogue, inachevé, sur Clytemnestre à Boston ; on me le
donna, je le finirais ; on me montra ses dernières lettres, où je disais vouloir mourir pour un autre pays que le mien, où je demandais au directeur des boîtes de crackers, depuis
revenues et que l’on mit, pour mon régiment, dans mon
auto ; ses photographies, et je vis ce qui aurait été à Beverley
mon cheval, ma maison, ma sœur. Une maison calme et
fleurie sur une île, dans un estuaire, et l’eau était salée à
l’est, douce à l’ouest et dorée ; une sœur déguisée en pierrot
noir, impassible sous le magnésium, une sœur qui regarde
le soleil en face. Nos destins même un jour s’étaient croisés,
puisque je reconnus de Dorothée Simpson la même photo
que j’ai, la même dédicace, et certains de ses goûts ont
peut-être passés depuis et grandissent en moi, celui des yeux
trop grands, des cheveux trop longs, des bouches trop petites, pour moi jusqu’à Dorothée si détestables.
Mais déjà le soleil s’abaissait et faisait scintiller tout le long de la colline, comme si le ciel avait les trois bordures qu’a la mer dans les atlas, les trois fils de cuivre du télégraphe. Nous avions à gravir les pentes sur lesquelles