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Page:Giraudoux - Armistice à Bordeaux.djvu/17

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ARMISTICE À BORDEAUX

notre nation devienne soudain aveugle et sourd et insensible, c’est l’habitude à prendre. C’est provisoirement le remède. Des projecteurs sans faisceau, des lunettes obturées, des tambours de repérage en marbre, voilà ce qui doit désormais alerter et assurer sa marche. Le rayonnement, l’écho, le frisson, elle peut en faire son deuil, un de ses deuils. Voilà pourquoi soudain à chacun de nous elle s’agrippe. Ce que j’ai au bras, qui me tire, est une patrie aveugle et sourde, qui me suit en tâtonnant, et tous semblent être comme moi dans la rue, atteints chacun par un tout petit coup d’hémiplégie, absorbés, marchant d’un pas qui n’est point le leur, d’un pas de couple, occupés à diriger à leur bras dans la bousculade une patrie aveugle et sourde. Ils lui évitent du

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