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JEAN GIRAUDOUX

première fois, inconsciemment, chaque Français se desserre des autres, reprend à leur flot son corps et sa pensée, son espace. On ne tient plus sur la chaussée, mais ce n’est pas que la France encore s’amasse, c’est qu’elle se dilate… Chacun voit que c’est moins la peur de l’invasion qui l’avait mené là, qu’une abdication de chaque Français en faveur d’un autre Français, de chaque province en faveur d’une autre province, qu’un désir de se plonger, pour parer au désastre, dans plus Français que soi… Parce que la Picardie se vidait dans le Parisis qui se vidait dans la Beauce qui se vidait dans le Rouergue, chacun croyait que le secret était de faire pénétrer chaque Français dans un autre jusqu’à ce qu’il n’en restât qu’un seul, inaccessible, invincible, par lequel tous seraient sauvés. Et

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