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ARMISTICE À BORDEAUX

ils n’avaient pas tout à fait tort. Celui-là existe, chacun le connaît. Celui-là déjà s’ouvrait la poitrine. Mais puisqu’ils ont signé, c’est inutile. Et déjà sous nos yeux mêmes, ces groupes qui se décrochent, ces adieux qui se font, c’est le Lillois qui sort du Tourangeau, l’Ardennais du Gascon, pour le premier pas vers l’ancien travail et vers l’ancien foyer, vers ce colza ou vers ce sorbier, moins fidèles ou plus forts, qui eux, ont refusé de se plonger dans le tamaris et dans l’if… Et ce voisin dans lequel j’allais me fondre, le voilà lui aussi qui se lève de sa table, qui me quitte, qui part… Partons donc, nous aussi… Partons seuls, car cette patrie aveugle et sourde que chacun avait à son côté, il la cherche, je la cherche en vain. Elle s’est évanouie de nos cœurs, elle a dis-

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