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Page:Giraudoux - Combat avec l’ange.djvu/19

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COMBAT AVEC L'ANGE

dans le moment où je lui passais son collier avant la promenade, il avait détourné brusquement a tête, il avait dit non, et filé entre mes jambes. J’avais serré les genoux, il avait reçu ma caresse, ma dernière caresse, violemment appuyée et sur tout son corps, et je l’avais vu remonter a rue en courant, en fuyant. Ainsi, m’avait dit un ami, s’enfuit le chien qui adore son maître et qui se sent devenir enragé. La comparaison était fausse. Peut-être avait-il fui plutôt, par amour aussi, et à toute vitesse, un maître qui devient insensible.

Pour Annie, elle avait fui un homme qui devenait chaste. Elle l’avait fui lentement, depuis trois mois, par millimètres. Il est dur pour une femme qui a trouvé celui qu’elle aimait, qui l’a trouvé dans sa perfection, avec la seule largeur de poitrine, la seule taille, la seule façon de prononcer les liaisons, de manger, de boire, d’éternuer, de regarder la mer ou les incendies,... de le voir soudain d’une autre chair. Car ce n’est pas à proprement parler de chasteté qu’il s’agissait. Mon corps était encore docile, mais elle avait l’impression que ce n’était plus le même corps. C’était un corps sans souvenir corporel, sans complicité corporelle, et dont l’amnésie répartissart tout à son honneur et d’une façon infamante pour Annie la pureté et l’impureté de notre amour. Elle se sentait