DON MANUEL LE PARESSEUX Il3
seulement je lui donnai un second baiser: elle n'a rien dit, elle a dû croire que j'avais oublié le premier. Je n'essaye plus d'ailleurs de la faire parler, de lui parler. Elle porte autour d'elle un secret, comme une cage; chacun de ses gestes s'y heurte, et, quand elle offre la main, elle semble la tendre à travers des gril- les. Tandis que chaque femme, dès qu'on l'approche d'aussi près, n'est plus que l'om- bre de celle qu'on désirait connaître et vous inspire d'autres espoirs, d'autres conquêtes. Miss Gregor vous arrête à jamais. Quand je pense à elle, au réveil, toutes mes ambitions, tous mes antres désirs me semblent ridicules comme un nœud oublié à un mouchoir; il me paraît que j'employai tout le jour à verser dans ma vie ce qui, par je ne sais quelle fêlure, en une minute de la nuit, s'écoule. Alors je comprends que la richesse seule nous rend assez mystérieux et assez discret pour approcher, sans qu'elle s'en effarouche, une telle splendeur. Celui .qui est le plus digne de vivre pour Miss Gregor, c'est l'homme le plus riche du monde. Solitaire, purifié de tout soupçon, qu'il vienne, qu'il se
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