Aller au contenu

Page:Giraudoux - L’École des indifférents.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J'éprouvai, à l'entendre, le malaise que donne la vue d'une femme trop décolletée. Pourvu qu'elle n'aille pas me dire, maintenant : — Dans un mois je ne serai plus que pourriture.

— Vous allez pleurer, Jacques ? Essuyez-vous les yeux avec ce mouchoir. Gardez-le. Vous prendrez aussi le petit Rubens de mon cabinet de toilette. C'était votre ami… Voilà la gare. Ne parlez point. Miss Spottiswood est là. Vous savez mon dernier vœu.

Chère madame de Sainte-Sombre ! Comme je lui suis reconnaissant de son sourire, de son hypocrite tranquillité. Nous voici sur le quai. Que de monde ! Que viennent donc attendre tous ces gens d'un train qui part ? Du coupé, mon amie donne la main à ma future fiancée. J'allais oublier de lui rendre son billet, son sac, les parapluies, ses fourrures. Et nous attendons, nos trois sourires se mêlant. Et c'est l'heure. Le train ne change pas de place. Il semble seulement trépider. Il se brouille. Il disparaît. Madame de Sainte-Sombre s'est trompée : au lieu de partir dans l'espace, elle a pris le convoi qui s'en allait dans le temps.