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Page:Giraudoux - La Première Disparition de Jérôme Bardini.djvu/58

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de goût au pain azyme. La bouteille de vin gris était presque à son terme. Il sentit le regard de Renée, descendit à la cave, et en ouvrit une autre. Il y toucha à peine. Qui boirait ce reste de vin ? À quel homme de journée, à quel facteur, Renée, lassée de faire un souvenir de ce qui se boit et se mange, le donnerait-elle, désespérée ?

— Quel est ce vin ? demanda-t-elle.

Le mot Vouvray, le mot Seyssel l’eût réconfortée, le mot Meursault exaltée. C’était un vin sans nom et sans parfum que Jérôme utilisait justement pour le scieur de bois et le jardinier. Elle eut la même impression que ce matin devant les flacons vides. Les beaux réservoirs de la vie n’avaient plus de pression pour Jérôme. Il ne fuma pas. Il ne prit pas d’alcool. Elle eut pour mari tout le repas une espèce d’homme stérilisé sur lequel ne semblaient pas agir les annonces du lièvre à la royale