Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/119

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statue de la République tendait en avant son bras de fonte, pour se jurer fidélité ou pour voir s’il ne pleuvait pas. Il pleuvait. Jean courut vers la maison, et il se réjouissait à l’idée de ses parents.

Mais l’employé avait une erreur de caisse, et c’était de nouveau un dîner sans joie, d’où la faim s’en était allée, où la mère se refusait à boire du vin et posait avec violence le ragoût sur la table. Des gouttelettes en jaillirent, tombant sur la serviette du père, qui se levait, sans plus manger, et partait pour le café. Jean frémissait et, reniflant ses larmes, il songeait à jeter son verre par la fenêtre ou à casser d’un coup son assiette.

À la droite du champ où le soleil s’était couché, une lueur fila, s’épanouit. Allait-il se relever, l’autre, après avoir plongé une minute sous la terre, et reculer d’un jour le mercredi ? Jean s’assit devant la porte sans avoir embrassé personne ; il ne salua pas l’instituteur, il n’entendit pas les filles qui criaient Jean de Nivelle. Il pensait à un salon, avec des lampes à colonne, avec des parquets qu’on devine cirés sous le tapis, à un père méditant sur un fauteuil de maroquin, à une mère qui demande à des bonnes si Monsieur Jean est à cheval.