Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/128

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nez s’était arrêté de battre sans doute à l’heure exacte de sa mort, ainsi que les montres dans les habits des noyés — tous une goutte de sang au bec ou au museau, tous un crin cassé autour du cou, comme s’ils avaient pu briser leur piège et s’étaient ensuite affaissés, morts de joie.

La colère mettait des nuances appareillées dans les yeux vairons de Cambronne, mais il ne pouvait alléguer qu’il avait ramassé les oiseaux au-dessous des fils et le lièvre au pied du poteau télégraphique. Bien qu’il entendît les murmures favorables de la foule, il capitula. Il sortit même de sa veste une sarcelle aux ailes ourlées de noir, déjà en deuil, et la déclara, par plaisanterie. Jean fut étonné que son père ne comprît pas l’affront, et délivrât au milieu des rires un ticket d’octroi. Il chargea le gibier sur ses épaules, sur ses bras, fourra les cailles dans ses poches, et traversa fièrement la foule.

Mais, à part le vieux père Pin, qui savait le gibier destiné à l’hôpital, personne ne lui dit bonjour. Derrière quelques femmes de journée qui raclaient les tables de l’auberge, le petit duc le suivait d’un œil humilié, et il se cacha à son passage.