Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/136

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— Qu’est-ce que tu veux, gabelou ?

Il ne tenait qu’à Jean de le confondre. Son père lui avait appris une phrase cinglante, et qui rimait presque, comme un proverbe, pour remettre à leur place ceux qui l’appelaient gabelou, mais il était surtout froissé de voir le petit duc sourire. Il lui vint à l’idée de l’humilier un peu.

— Est-ce vrai que ton père a rentré une fois trente bouteilles d’eau-de-vie, sans déclaration ?

Et il le regardait en souriant comme s’il n’eût dépendu que de lui de tout faire payer. Le petit duc s’effarait :

— Es-tu bête, disait Jean, il faut bien boire la goutte !

Ils arrivaient à la baraque où les campagnardes échangent leurs cheveux contre des casseroles et des pièces d’étoffes. Une grosse blonde descendait du tréteau, et riante, passa la main dans les cheveux bouclés du petit duc. Elle semblait une religieuse qui posa sa cornette pour la nuit et portait triomphalement une paire de draps, prix de ses tresses. Mais Jean songeait à ces images où l’on voit des femmes merveilleuses coucher sur leurs seuls cheveux. Maintenant une