Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/161

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mune. Adieu, toi qui nous enveloppes dans le souvenir comme dans la robe de Nessus, qui poses tes mains à tout moment sur nos oreilles de sorte que nous n’entendons le bonheur que par bouffées incohérentes, pareils à des enfants espiègles quand jouent les orgues. En songeant à toi, les larmes viennent aux yeux sans qu’on ait envie de pleurer, comme l’eau, devant les vergers, vient à la bouche.

Je ne te vois déjà plus. Je reviens par la route brouillée, à travers le bourg. Des enfants courent après moi, imitant sur leur main le bruit des baisers. Une étoile tombe, et je ne trouve pas d’autre vœu à faire que de les voir tomber toutes. Dis-moi, ami, dis-moi ce qui m’étreint ainsi. Si c’est de la tristesse, je consens à être triste, toute ma vie ; — mais, si c’est de la joie, je m’en vais mourir, au premier chagrin.