Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’agent voyer, qui n’avait pas de haut de forme, s’était donc félicité d’être le familier des Rebecque et d’éviter les enterrements, jusqu’au jour où l’Amour, jouant à Colin-Maillard, le toucha, le reconnut, dénoua son propre bandeau et l’en coiffa.

Il s’agissait maintenant d’approcher la pharmacienne, et il n’y avait qu’un moyen : payer d’audace, entrer à la pharmacie et se présenter. Un dimanche il se mit en route, prêt à tout.

— J’achèterai de la teinture d’iode, se disait-il : on en a besoin à chaque instant. Voilà plus d’un an que je n’en ai point.

Mais, à quatre pas de la pharmacie, il s’arrêta, consulta sa montre, et repartit, comme si l’on ne pouvait obtenir de la teinture d’iode qu’à certaines heures. Il revint tête basse, pas trop basse, car il craignait de frotter son faux col sur un petit furoncle, contre lequel il eût si bien pu acheter des vaselines, et il jugeait sévèrement son cœur d’avoir ainsi battu la chamade.

— Je dois être un timide, pensait-il.

Or Mme  Blebé passait, sous un chapeau rond couvert de fleurs. Elle semblait promener, avant de la porter au cimetière, une couronne destinée à son défunt mari.