Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nes à battre peuvent rouler derrière des bœufs inconnus, les automobiles s’arrêter pour faire de l’eau à leur fontaine, eux continuent, indifférents, à arracher un clou de leurs sabots, à observer un canard qui mordille un des os que les chiens n’ont pas trouvés. Poussiéreux, hâlés, ils ont l’air de se reposer d’un long voyage ; un étranger pourrait croire qu’ils viennent de Tours et l’on se demande à quel âge ils seront à Châteauroux.

Les voilà qui étirent leurs bras et leurs blouses empesées. Au loin, le train remue tout l’horizon, et l’on ne croirait point, à entendre ce fracas, que ce n’est qu’un train-tramway sans troisièmes et dont les passages à niveau n’ont pas de barrière. Les voilà qui se lèvent, tous trois ensemble, pour que le banc ne chavire pas. On dirait qu’un immense nuage blanc double le bleu du ciel et le rend plus pâle. Les voilà qui s’en vont enfin, traînant leur banc, traînant leurs sabots, à regret, je ne sais où, sans doute vers le pays ou le père Ribaut remise ses feuilles mortes.