Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/55

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liberté les scandalise. Voilà pourquoi, Estelle, tu iras, dans leur couvent.



C’est Nini Revat, la Parisienne, qui a frappé et qui entre. Elle sourit, mais il faut déjà le savoir pour le deviner, si petites sont ses lèvres. Et pourtant, dans ce visage, on ne voit qu’elles. Un mot, le moindre mot les rend rondes, et comme Nini bégaye un peu, elle semble, avant de parler, chasser de sa bouche toute une provision de baisers qui l’obstruent. Quelle aventure extraordinaire a-t-elle à raconter, pour m’étreindre et m’embrasser ainsi ?

— C’est cela ! nous crie Estelle ; ne vous gênez plus. Un beau démon. Il prétend que je n’ai pas vu la Vierge.

La Parisienne me prend sur ses genoux et m’embrasse à nouveau. Puis elle dit, avec son accent mat et délicieux sur lequel les liaisons ne prennent pas :

— Cet enfant est insupportable. La semaine dernière il s’est coupé les cils avec mes ciseaux.

À qui la faute ? Elle m’avait conduit dans sa