Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/56

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chambre, et, par jeu, fouillant ses placards et ses malles, essayé sur moi des toques, des boléros, un collet. Elle me parfuma aussi à la fougère. Je ne sais pourquoi je quittai mes bas et mis mes pieds nus dans ses mules d’hermine. Puis, mes cils battant, devant l’armoire à glace, je les coupai. Estelle d’ailleurs ne s’en est pas aperçue, car les siens lui sont inutiles. Qu’il pleuve ou qu’elle pleure, elle essuie ses yeux avec sa main.

J’allais expliquer tout cela, mais la Parisienne appliqua ses doigts sur ma bouche, et je ne sais plus si j’embrassai ou si je bégayai.

— Voici l’affaire, annonça-t-elle. M. Reuillant vous a dénoncée au percepteur. Il soutient que, pour avoir le droit de vendre vos médailles et vos scapulaires, il faut une patente, et il fait imposer d’office.

M. Reuillant, l’aubergiste, était le plus redouté parmi les radicaux de l’arrondissement. Il avait, racontait-on, obligé le comte Delaroche, qui écrivait son nom en un seul mot, pour se rendre populaire, à le recouper en trois, comme ses ancêtres. La veille des élections une vingtaine d’ouvriers inconnus étaient venus à sa réunion, puis ils étaient sortis en tirant aux sonnettes,