Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en cassant des vitres, et pareille crainte n’avait pas régné dans le bourg depuis 1870, alors qu’on redoutait le passage des francs-tireurs.

— J’ai vu alors votre curé, continuait Nini. Il a haussé les épaules. Au fond, il ne veut pas se compromettre pour cent sous, et il espère que tous ces ennuis vous décideront enfin à entrer au couvent.

Les cils d’Estelle lui servirent. Je les vis battre. Elle se tourna sur son fauteuil.

— Oh ! Nini, supplia-t-elle, comment voulez-vous que je m’enterre vive, vous qui savez combien je suis heureuse ? Où voulez-vous que je retrouve ce que j’ai ici : à huit heures, je prends mon chocolat ou bien je me fais du café, si j’ai encore sommeil ; puis vient le facteur, puis la jardinière, puis viennent onze heures et je déjeune. L’après-midi, j’ai toujours quelque chose à faire. Il n’y a personne pour s’occuper comme moi. Et l’on veut me faire renoncer à tout cela ? Tenez, Nini, laissez-moi mettre mon chapeau. Nous irons réclamer chez le percepteur.

Elle croise son châle, palpitante, de façon à ce que le cœur soit deux fois plus couvert que le reste. Nous partons.