Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/98

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notre gouvernante. Elle est presque consolée.

— Je ne sais pas, dit-elle, mais je crois qu’ils me laisseront user mes robes, et je mettrai mon chapeau neuf pour les offices. Vous pensez bien que je ne me laisserai pas couper les cheveux.

Nous lui offrons une goutte de cognac. Elle le sirote, posant et reprenant son verre à chaque seconde. Un vent sec envoie jusqu’à notre fenêtre et jusqu’à elle l’ombre des ormes. Mais l’ombre ne prend pas sur sa robe, pas plus que l’eau sur les canards, pas plus que la tristesse sur son cœur et elle nous sourit sans raison, ensoleillée à battre.

— Au fond, reprend-elle, j’aurais dû apprendre l’harmonium. La duchesse m’envoyait tous les jeudis M. Celor, de Bourges. Mais je ne tapais que sur les notes fausses. Puis, il s’endormait en arrivant et se réveillait bien juste pour partir. C’est alors qu’on essaya de me faire chanter l’Ave Maria du musicien qui est plus célèbre que tous les autres ; de cette façon j’aurais été utile dans la paroisse même et je ne serais pas entrée au couvent. Mais les airs m’entrent dans la tête par une oreille, et sortent par l’autre.

Et elle continue ainsi son acte de contrition,