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Page:Giraudoux - Retour d’Alsace, août 1914.djvu/101

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RETOUR D’ALSACE

balafres, et en cachant les morceaux dans la boîte à chaussures de Magda, sur l’étagère de gauche. Là-bas, une trompette assourdie sonne. Et l’écho trop martial répond par un clairon…

Ô mes amis, qui êtes en Chine !


26 août.

Lever à trois heures. Il pleut. Bonne journée pour le crayon-encre. On nous autorise enfin, comme nous en sortons, à envoyer des cartes illustrées d’Alsace. À défaut de cartes de Fellering, nous trouvons les vues de la vallée de l’Ill, celles de Vieux-Brisach, les cartes qu’eussent expédiées Turenne et les Suédois. Départ à quatre heures. La kellnerin, ignorante du sort de Tirpitz, nous fait des signes avec ses avant-bras. Marche silencieuse sous une pluie de montagne qui ne pénètre pas nos harnachements, mais qui nous fait lisses, muets. La route est dure et déchaussée par les averses. Un ruisseau plat la longe. Aux vergues, orgueilleux de border à la fois la route et le torrent, pendent des ampoules à abat-jour qui brûlent encore et qui nous font entrevoir, sous l’eau noire, les truites endolories par l’électricité. Dans les pâturages, des bœufs sont immobiles, debout, respectant l’heure où l’herbe se