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RETOUR D’ALSACE

contente du revolver. Je le mystifie en l’emmenant à la pêche, un ruisseau coule au bas du village.

Il fait chaud, et je m’arrête au milieu de la prairie, près du lieutenant Michal. C’est notre guide : il est petit, modeste, doux ; le général de la division a choisi pour marcher en tête des régiments de réserve, les contraires des tambours majors de l’active ; le guide du 230 est C…, le plus petit romancier de France : celui du 305, B…, journaliste silencieux, qui prend des notes. — « Voilà des régiments qui réfléchissent », doivent se dire les bourgs qui ont vu la veille défiler à l’étourdie des zouaves ou des chasseurs. Michal étudie sa carte. Il s’est étendu dans l’herbe suivant la ligne du Rhin et, orienté vers le Nord, distribue ses points et ses demi-points cardinaux aux clochers les plus distincts ; à chaque halte, il s’installe ainsi, se couche, — le colonel dit : « Michal cherche notre niveau », — et le lendemain il nous conduit sans erreur par les plus petits chemins, même s’il n’y a pas de villages, et s’il a dû confier le Nord et le Sud à de simples rochers ou à de simples arbres. Souvent je l’ai rejoint, sur ces routes alsaciennes qu’il a plus de plaisir à fouler qu’un autre, car il est ingénieur des mines et il n’oublie pas une mi-