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Page:Giraudoux - Retour d’Alsace, août 1914.djvu/92

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RETOUR D’ALSACE

immobiles, de-ci, de-là, les groupes de cavaliers au cantonnement, des cuirassiers, des dragons, calmes, et qui regardent leur hôtesse nous acclamer avec l’indifférence d’hôtes légitimes. Pas une porte, pas une fenêtre qui soit fermée sur nous. Les maisons sont même ouvertes par derrière et l’on voit le jardin et la montagne de chacune. Car déjà, toute proche, une haute ligne ondule, et nous suit, et gonfle l’horizon, comme notre sillage. Il est midi. Le soleil qui nous a éclairés suffisamment du côté droit, nous illumine du côté gauche ; je m’en réjouis, c’est mon côté avantageux ; et toujours le même cri de Vive la France nous accueille, que les enfants poussent gutturalement comme s’ils en souffraient, qui finit par nous émouvoir jusqu’aux larmes, comme si nous ne le comprenions tout à coup à la centième fois, — Bergeot à la millième, — et auquel nous répondons par le même cri, mais sans accentuer la nasale, pour n’avoir pas l’air d’en faire une traduction.

C’est la sortie des usines, les ouvriers nous escortent, en nous appelant par nos grades, et nous donnent leur paquet de cigarettes auquel nous exigeons qu’ils puisent. L’un d’eux nous adopte et nous escorte, nous expliquant les usines, les parcs, combien les propriétaires ont d’enfants,