Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/102

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ment aux Canadiens, amis de l’ordre et de la religion, comprenait un pèlerinage à tous les points de Munich où la révolution, manœuvre de la France, avait sévi quatorze jours : le lycée Luitpold, où le jeune Toller, disciple assurément de Loriot et de Cachin, deux Français, avait donné l’ordre de fusiller la comtesse Westarp ; la prison de Stadelheim, sur le chemin de laquelle Landauer, disciple du Parisien d’adoption Jean-Jacques Rousseau, avait été assommé après avoir écrit un livre si nul sur Shakespeare ; les caves où les deux femmes otages avaient été violées par quatorze révolutionnaires avec tous les raffinements et cruautés que prescrit dans ses livres le marquis de Sade, le honteux Français.

Le troisième était le plus dispendieux, cinq mille marks versés d’avance, mille devant être remis à l’Orgesh, mille au Schutzbund et mille à la Frauenliga. Mais il comprenait une visite à Ludendorff, l’invaincu signataire de l’armistice, à Rupprecht, le roi déposé toujours régnant, à un professeur de l’Université qui jurait à chaque membre de la caravane avoir falsifié les documents de la chancellerie bavaroise pour plaire à Kurt Eisner, à l’ancienne espionne des Français, la danseuse Menda Sacchi, qui avait assisté aux orgies de Joffre et vu chaque soir la péniche incliner du côté des chambres de dames ; enfin, au président des anciens Bavarois de la Légion étrangère. Pour que cette promenade historique demeurât une excursion, on avait réparti chacune de ces personnalités dans un site connu, en particulier au bord d’un lac, et je n’avais qu’à choisir les lacs que je préférais, si je voulais, par leur couleur. Le professeur habitait