Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/103

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Schlendorf sur le lac Kochel, qui est le plus bleu. Benda Sacchi, dans le chalet suprême du Peissemberg, le Rigi bavarois, au-dessus du lac de Stamberg, qui est le plus sensible aux rayons du soleil levant : elle était levée avant l’aube. C’était la tournée préférée des Américains, auxquels des permissions spéciales étaient données pour nager d’île en île, tirer le chamois, et celle que M. Hearst avait publiée dans les cent premiers journaux des États-Unis, avec, triomphe typographique, un échantillonnage des eaux de chaque lac en regard de chaque portrait et de chaque autographe. Pour les dames, une section d’étudiantes aussi se formait, distribuée en trois sections, naïves, averties et indifférentes. Mais déjà la doctoresse Meyer, sa sœur, se mettait à mes ordres pour sœurs et cousines éclairées ou non, ou bien, car le voyage avec les femmes peut être préféré des esprits canadiens, amis de la sensibilité et du cœur, pour moi-même.

Comme je congédiais le Dr  Meyer qui m’indiquait in extremis, confus peut-être de son origine plébéienne, un étudiant duc, j’aperçus dans une des boîtes en verre de la cour Zelten en personne, assis près d’un casquettier et qui, toutes les minutes, pour tromper sans doute une surveillance, se coiffait d’une casquette. Il poussait la conscience jusqu’à ne jamais essayer la même, parfois sa coiffure tombait au-dessous des oreilles, parfois elle ne dépassait pas le haut du crâne. De mon poste, j’avais l’impression que sa tête enflait et diminuait. Je crus qu’il m’avait découvert et me cherchait, mais il n’en était rien. Bientôt, il sortit, tête nue cette fois, comme il en avait l’habitude au cœur même de l’hiver, et je courus à sa poursuite.