Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/139

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— Je sais où l’on a ramassé Siegfried. C’est dans un bois où se battaient la légion étrangère et un régiment mi-allemand mi-autrichien. Toutes les nations du monde, ou à peu près, et même les neutres, ont laissé des blessés sur ce terrain. À quoi avez-vous reconnu que Siegfried était Allemand ?

— Avant de s’évanouir, il avait crié Wasser.

— Aux troupes anglaises et françaises, avant l’assaut, on apprenait à dire, en Orient : « Mahomet est son prophète », et en Occident : « Vater mit Kindern », ou « Wasser ».

Se croyant acharnée à la discussion, mais l’étant surtout à la lutte, Eva s’était approchée avec tant de menace que son nez toucha le mien. C’est la déclaration de l’amour dans quelques îles malaises. Mais je me gardai d’exprimer tout haut cette réflexion frivole. Je m’en tins à une déclaration d’inimitié analogue à la première. Je n’infligeai pas à Eva le frottement des deux oreilles, qui en Bechuanaland engage pour la vie deux êtres à vivre ensemble du produit de la chasse, ni du front et du menton, qui, dans la secte Dibamba, en Haut-Ogoué, connue de Zelten, signifie que vous mangerez du même homme et que vous êtes autorisé à inscrire sur le captif vivant, à votre morceau favori, un numéro réservant votre part. Enserrant ses deux bras dans l’étau du Berry, comme eût dit ma feuille matricule, je lui donnai le baiser, si vous voulez, de Louveciennes.

— Savez-vous, dit-elle, quand elle put parler toujours maintenue contre moi, quelle formule les étudiantes et les jeunes filles allemandes récitent et doivent copier neuf fois et adresser à neuf amies ?