Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/140

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Je la regardai sans mot dire. J’en avais assez de nos assauts de haine. Mais elle récita :

« Ô Allemagne, nous jurons d’avoir chacune cinq fils pour te venger. Le premier te vengera des Polonais, qui sont une insulte et une dérision pour l’Europe. Les quatre autres te vengeront des Français, qui enlèvent tout prix à l’existence. Ils ont confisqué, en Alsace, les biens du général Scheuch, ancien ministre de la Guerre. Grâce à la valeur de leur franc, ils pillent nos boutiques. Trop lâches pour violenter eux-mêmes nos femmes, ils les soumettent à des nègres. Ils avivent leurs plaies comme un mendiant espagnol pour exciter la pitié et réclamer l’aumône. Mais, Allemagne, ton heure vient peu à peu. Déjà, la Bolivie a repris sa mission vétérinaire allemande, déjà la Station zoologique de Naples a rappelé un directeur allemand, déjà les Volières de New York ont demandé du personnel à Hagenbeck et l’Argentine acclame nos botanistes. La royauté, Allemagne, que tu exerçais sur la flore et sur la faune du monde te sera bientôt redonnée. Que le jour des Vêpres siciliennes arrive, comme le réclame le Dr  Grober, tu trouveras chacune de nous tendant le poignard à notre frère. Égorge tout un jour après avoir haï cinq ans, et te sera redonnée la royauté sur les âmes, que tu féconderas par ta poésie et ta musique. »

Eva, délivrée, m’avait tendu le texte. Après les mots « mendiant espagnol », une annotation indiquait d’éviter cette métaphore pour les pays de langue espagnole, et de le remplacer par Shylock réclamant sa livre de viande (à éviter celle-là dans le centre Europe et les milieux sionistes)… Puisque les chants amœbées