Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/198

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arrêté tous les juifs, et dans Haidhausen trois réunions de séminaristes qui fêtaient la nomination d’un nouveau nonce. La seconde république bavaroise avait d’ailleurs déjà un débat avec le Vatican, et pour la même raison que la première, ses agents ayant réquisitionné l’automobile de la nonciature à cause de sa couleur rouge. Zelten, d’après ces renseignements, me semblait déjà transiger avec ses goûts et ses haines, car ce qu’il détestait le plus, c’étaient les ingénieurs électriciens et les peintres de plein air, et l’on ne signalait point qu’aucun encore eût été pendu ni, raffinement qu’il s’était jadis promis, électrocuté. Le 1er juin, l’adjoint de Zelten, capitaine Kessler, séduisant le gardien de la Bavaria, statue de bronze dont on apprend par cœur dans les écoles les dimensions géantes comme dans les hôpitaux les dimensions, moindres, de la belle Eva, avait logé cent révolutionnaires armés de grenades dans la poitrine de 15 mètres 21, et les jambes de 8 mètres 30. Ils avaient bouilli tout le jour, car le thermomètre marquait trente-deux et la statue était surchauffée, mais à huit heures, comme les Grecs sortant de leur cheval, ils s’étaient rués sur les casernes et avaient pris le Rathaus. Il y avait eu un mort, et comme il arrive toujours, le sort avait mal choisi, car c’était un malheureux soldat qui allait être libéré le soir, qui devait se baptiser le lendemain matin, se marier le lendemain soir, et avoir un enfant dans la semaine. Ida m’apportait un revolver, et me pria de l’essayer, car il sentait la rouille. Je n’avais qu’à tirer au plafond. Tous ces bruits dans la ville, ce n’était ni lutte ni fusillade, mais les bourgeois qui s’exerçaient au pistolet dans leurs jardins.