Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/84

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guerait-elle cette année encore, du 25 mai au 5 juin, pour le surveiller, cet oncle, cette cousine ou ce notaire qui avaient empêché, entre autres, deux suicides, un engagement à la Légion, et l’achat (particulièrement redouté du délégué notaire) d’un cuirassé désaffecté avec dancing. À deux heures, les visites pour Siegfried Kleist commencèrent. Ce n’était malheureusement pas des visites insignifiantes. Forestier n’était pas amarré à son nouveau pays par ces petites chaînes, sur moi d’ailleurs assez solides, qui aboutissent à des poètes disciples de Dehmel, des musiciens élèves de Reger, à des actrices viennoises, et à une douzaine de tables de brasserie. Je constatais autour de la villa les allées et venues de ceux qui, grâce à leurs automobiles, leurs rapides ou leurs avions, parviennent plus vite que la foule auprès de la gloire à son lever. Ida, qui était camarade de pension de Rita Sacchetti, voyait chaque semaine autour de la danseuse le même remue-ménage, et à peu près les mêmes gens ; car il vint le président du Conseil, le banquier Zorn, le brasseur Dittmann, tout ce qu’il y a de solide en Bavière. Il n’était pas possible, pour y enfoncer quelqu’un, de lui attacher au cou de plus grosses pierres. Puis vint une foule qu’Ida n’avait guère aperçue qu’aux festivals, celle qui se dérange pour les victoires ou pour les généraux victorieux, le baron von Xylinder, Frau Rattel, les Schœneburg. Puis, un peu plus tard, pour me redonner quelque espoir, ceux qui dans Munich allaient de mon temps au concert français, à l’exposition française, chez la modiste Huguette, et je fus surtout rassuré d’apercevoir le prince Heinrich.