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F A A PROMENADE AVEC GABRIELLB Q3

trouver dans ces souvenirs qui me liât au passé ! · Je n’avais point aimé d’héroïnes, de saintes. Ce ’que je souhaitais de toute mon âme m’était V accordé : je n’avais point aimé. A la minutel même où je cédais à la tendresse, ~ je lui barris le fond de mon âme par millegrestrictions mentales, -et je ne l’éprouvais qu’à condition. Ma tendresse pour Luce était l’amour, amour mon dévouement pour Jeanne, mais à condition qu’on m’ait trompé sur l’amour, à condition qu’Horace, le triste Horace, avec ses bouteilles et ses demoiselles, eût raison ; à " condition que dans un grand lit, une enfant orgueilleuse et tendre en ce moment précis ne soupirât pas, ne se retournât pas, n’ouvrît pas ses yeux bleus, n’étendît pas ses bras blancs. ’ Ménageant ainsi mon cœur, j’avais ménagé l’enthousiasme, la joie. J’avais tout regardé, tout éprouvé avec la même retenue, - à condition. Je n’avançais point d’un pas pour me rapprocher du soleil, pour écarter de ma vue, devant un paysage, l’arbre qui le coupait ou le =’ —’cachait. Pourquoi faire des réparations dans un univers qui ne m’appartiendrait peut-être pas ? Or maintenant, je n’étais plus le locataire de la nuit, de l’hiver. Ce fut à mes frais que cette J