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TRIOMPHE DU PATHÉTIQUE 195

J’errai dans les rues, me retournant quand on marchait derrière moi. Je me précipitai, comme vers une nouvelle, comme vers le facteur, sur le premier visage connu. Je me cramponnai à ce débris de mon passé. C’était un camarade qui à son tour ne me lâcha plus, qui voulut me ramener chez moi, comme s’il y avait une récompense. Je pus lui échapper à l’avant-dernière rue et j’entrai au Luxembourg... Assis face à la grille, j’avais enfin la chance d’être prisonnier ! J’étais ému d’avoir mille arbres dans ma cage, mille fleurs, et un enfant avec un bâton pour en chasser tous les oiseaux. La fontaine murmurait ; quand ma chaise basculait, je voyais le ciel tout bleu. Les jardiniers, autour d’un second banc, remplaçaient les fleurs d’un massif, aménageaient hâtivement ce coin de jardin pour un second prisonnier qui détestait les géraniums et adorait les fuchsias. J’attendais ce compagnon... De temps en temps, dans la rue, passait un être en liberté... Hommes égoïstes ! Dès qu’ils sont malheureux, ils souffrent de la souffrance des autres, pour oublier ainsi la leur : et la vue d’un pauvre boiteux me déchira l'âme ; et un enfant, le malheureux, fit tomber son cerceau ; et un juif, je dis bien un juif,