Page:Giraudoux - Simon le pathétique.djvu/31

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ficilement une ombre solitaire du champ où nous les avons couchées par deux, Grisélidis près d’Andromaque, Bérénice près de Mancini. À Napoléon lui-même, dans son île, ainsi que l’on fournit au lion en cage son caniche, nous accordions un petit général blessé, Philoctète, Bélisaire. Ou encore le Sphynx d’Égypte trouvait devant lui un Sphynx vivant, et tous deux se confiaient, interrompus par les plaintes des Colosses, — seules les Pyramides se taisaient cette nuit-là dans la vallée du Nil — qu’un jour, sur le bord d’un fleuve pacifique et sinueux, ces Gaulois hirsutes et bruyants, subitement rasés, ou à peu près, subitement les plus polis, entreprendraient de rebâtir les sept merveilles du monde, un phare d’Alexandrie en fer ajouré, des jardins suspendus sur des buttes, un Parthénon, un Odéon…

Cinq ans, six ans passèrent ainsi, la durée d’une croisade, la durée de la Révolution ; les arbres plantés à mon arrivée dans les cours avaient déjà toutes leurs feuilles. Si ma vie ’devait s’écouler à cette vitesse, j’avais devant moi l’éternité. Enfant, on profite de l’immortalité la plus passagère. J’étais patient, consciencieux, minutieux comme ceux qui sont assurés