Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/138

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et trompeter. Tous les cris des animaux les plus bruyants, celui de l’hippopotame, du chat, de l’onagre, et des cris inconnus qui devaient être ceux de la girafe ou du yack, m’accueillaient, mais ils partaient du sommet des arbres. J’étais déconcertée de trouver si peu d’harmonie, pour la première fois où elle daignait me reparler, dans la voix de la nature. Ainsi le sourd dont la guérison arrive un jour à la salle de concert, alors que l’orchestre entame la symphonie dada. Tous les cocotiers ronflaient comme des tuyaux d’orgue.

— Oh ! oh ! criai-je… Mais déjà j’avais deviné. Je n’avais pas peur.

À ma voix l’orchestre se tut. Tous les oiseaux de l’île volèrent et se réfugièrent derrière moi ; reconnaissant la reine des oiseaux et celle dont la présence partage les espèces volantes des espèces invisibles. Mais, à l’extrême cime des arbres, reprenait déjà son vacarme toute une faune ventriloque de rhinocéros et de zèbres. Je levai les bras, et, comme si ce geste de reddition déclarait ici la guerre, je fus bombardée aussitôt de noix de coco, de bananes, de noisettes et de tous les échantillons de ce que je pourrais jamais manger dans cette nouvelle île. Mais je ne pouvais voir aucun des singes. Je ne m’éloignais pas du rivage, prête à plonger si c’était une race trop grosse. Les