Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/140

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oiseaux, un œil enfin décousu par le vrai canif, pour qui a cherché des semaines un poisson à yeux ovales, d’apercevoir à chaque minute, né d’une minute de silence, un petit animal neuf, une paire d’yeux. Des rats, qui bondirent à la mer, annonçant faussement que l’île allait sombrer. Des cobayes. Des musaraignes. Je les suivais d’un regard étonné d’avoir à ne point s’élever, habitué par les oiseaux à une vie verticale dont j’étais ce matin sortie… Sur le sable, sur la partie de l’île où j’aurais eu le plus de chances de trouver une trace humaine, j’avançais, essayant de la démêler dans mille empreintes de singes avec la patience de celui qui cherche, dans un champ de trèfle, le trèfle à quatre feuilles… De loin j’entendais d’ailleurs encore les singes, — à nouveau discordants : c’est qu’ils pensaient à moi… Puis j’entrai, la zone des cocotiers franchie, dans un haut gazon planté de tiges de rosiers, toutes sèches — des hommes jadis avaient passé là — et partout, au lieu de ces taches colorées et stupides qui m’accompagnaient hier encore, des glissements, et bientôt, me regardant de ce regard par lequel dans mon enfance il avait pris ma confiance, rabaissant cette oreille qui avait conquis ma tendresse, remuant ce nez qui lui avait donné mon amour, un lapin… Partout, me regardant à