Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/176

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s’offraient à moi, au coin de la rue du Coq, sur la promenade, sur cette place mal famée elle-même, que des vertus théologales et de petits bourgeois à péchés véniels. Ou bien je me persuadais que je l’atteindrais seulement dans la commune oubliée ; je recommençais toutes les promenades de mon enfance, je reprenais toutes les pistes qui avaient pu m’y conduire ; par toutes les portes de Bellac, je refaisais mes premières sorties vers la campagne, touchant de ma mémoire, à vingt pas, à quarante pas de la maison, le premier arbre, la première épicière que j’aie jamais vus ; mais commune et péché se tenaient en dehors de toute route vicinale. Si bien, tant les autres me paraissaient d’ailleurs bénins dans cette île, tant je me sentais peu orgueilleuse vis-à-vis des gourahs, peu menteuse vis-à-vis des ptemérops, peu luxurieuse vis-à-vis de la nacre, et cependant gonflée de je ne sais quels mal et fautes, que lui seul était le vrai péché, et j’en éprouvais en moi la présence terrible.

Des péchés, — suivant d’ailleurs en cela la progression imposée par mademoiselle Savageon, — je passai aux académiciens. Mais leurs ruses sont plus subtiles encore. Car je ne surprendrai personne en disant combien il était rare qu’un mouvement de mon corps ou un geste du ruisseau