Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/241

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c’était des coins d’hammon, des nautiless des lépas que j’écrasais. Toute cette flore et faune indépendantes, il me suffisait de lire et d’accepter ce contrat pour l’annexer au reste du monde, à Buffon et à Cuvier. Comme une baladeuse à la remorque, je me sentis une minute rattachée à votre train. Des vents latins, des courants anglais, un souffle estival néerlandais, voilà ce qu’étaient ma mousson et mes douze alizés. Je n’hésitai plus ; comme vous brûlez sans les lire les lettres qui vous apprennent un ancien amour de celle que vous croyiez pure, je jetai l’inventaire au feu, je relevai mes oiseaux, mes poissons de leur passé, et le nom stupide de mon île, je ne veux même pas vous le dire, pour l’oublier.

« Ne m’en veuillez pas de mon orthographe. Il ne faut pas un petit effort, après cinq années, pour retenir mon stylo aux doubles lettttttres !

« Aujourd’hui, je suis plus calme. Ce qui me calme surtout, quand j’écris, c’est de tracer soudain un mot en grandes majuscules. Je suis calme. Pourquoi vous les écrivains en France n’usez-vous pas de ce procédé. Cela calme comme si l’on avait soudain une loupe devant les yeux. Essayons, pour voir si le remède est vraiment sûr, mot qui me fasse de la peine, le mot gare, le mot armoire à glace, le mot chenonceaux.