Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/277

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sur les cavernes marines cette poussière que donne l’Océan avec autant de profusion qu’une route en Provence, ayant dédaigné aussi d’encombrer ma demeure d’objets qui pouvaient être utiles, mais qui l’eussent ridiculisée le jour de mon sauvetage, tables, chaises ou baquets ; c’était un jardin sans un journal sur les pelouses, sans une feuille morte, l’île en somme la mieux cirée de Polynésie, et Billy glissait sur le corail. Aux oiseaux mêmes j’avais donné des habitudes de volière, les nourrissant aux mêmes ronds-points, reléguant les nids-jardins des oiseaux jardiniers dans un seul pré tout planté maintenant de leurs maisons ouvrières, pelant les mousses des palétuviers, seule laideur de mes arbres, pour qu’ils ne fussent pas surpris dans cette flanelle, et tendant le long des allées mes rideaux de plumes, (tout semblables, disait Hawkins, aux rideaux dont on camouflait les routes près du front, avec la différence qu’ils étaient en plumes de paradis). La réception avait tardé, les arbustes étaient devenus arbres, les perroquets parlaient une langue humaine, mais cette heure de thé dans quatre tasses en noix de coco semblait justifier aux yeux de Dieu, et justifiait en tous cas au miens, cinq années de drames et de malheur.

Puis l’éclipse eut lieu, augmentant l’irritation