Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/294

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pour l’éternité… Le vent soufflait sur elles et sur moi et sur les cèdres périssables… Comme celui qui veut se suicider au Niagara et, soudain modeste, rentre à l’hôtel se noyer dans sa baignoire, confuse soudain de la solitude royale de mon île, jusqu’au matin, je me donnai à ces deux pauvres mètres carrés de solitude entre sept millions d’hommes…

Je viens de traverser l’Océan sans corail et sans requins. Près de l’Europe un dirigeable a jeté sur le yacht des journaux pleins de photographies. L’armistice vient d’être signé par Lloyd George qui ressemble à un caniche, par Wilson qui ressemble à un colley et par Clemenceau qui ressemble à un dogue. L’Europe a les plus beaux espoirs de cette paix signée par des hommes qui ressemblent aux chiens.

C’est la nuit encore. Mais j’ai voulu, dès qu’a été signalée la première côte de France, que le yacht m’y débarquât seule au hasard et m’y laissât. Dans le même canot automobile qui m’a prise