Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/36

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sur mon nécessaire… Mais c’était tout… Mais ce cœur, que l’avenue des Champs-Élysées tenue aux quatre coins comme une couverture, du moins les Tchèques le certifient, lance au ciel, il était en moi tranquille. Sur les créneaux de Cluny, sur les visages des Rodins, roue sans dentelure, il ne mordait pas. Je revenais doucement boulevard Raspail en remontant la Seine, et quant à cette foule des gares, ces Égyptiens, ces Australiens, ces Japonais qui arrivaient si péniblement à ce palier d’où nous partions, loin de vouloir les connaître, il me semblait que j’allais dans je ne sais quel double merveilleux de leurs fades pays, inconnus surtout à eux-mêmes.

L’après-midi, j’allais à Chatou, à Joinville. Je prenais des tramways qui ne quittaient la Seine, grésillants plus que des hydroplanes, que pour gagner la Marne ou l’Oise, et qui me ramenaient chaque soir à l’Alma, à la Concorde, au cœur de Paris et au niveau de l’eau. Jusqu’à la porte de Clichy, d’Ivry, de Vincennes, je restais dans mon coin méfiante. Mais, dès que la muraille de Paris n’était plus derrière moi qu’un pauvre pneu éclaté en vingt places, qu’il eût fallu souffler encore longtemps pour rendre rond et dur ; une fois criés par la receveuse ces noms de grands hommes qui arrêtent, à l’exclusion de tous les