Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/48

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récit à Soleillet, et fit des allusions délicates à un autre Soleillet, qui venait d’assassiner une petite fille, affectant de les confondre. Comme l’autre insistait encore, Toulet lui montra bien qu’il n’ignorait pas que ce par quoi ce pauvre homme avait été soudain poussé aux voyages c’était l’inconduite de sa femme : quand l’explorateur prononçait le nom de Perm, d’Irkoustk ou de Vancouver, il le regardait d’un air à la fois furibond et méprisant comme si cet homme à barbe blanche avouait sans rougir les péripéties de ses infortunes conjugales : au mot traîneau, s’indigna comme jamais prélat ne le fit en entendant nommer le plus vil objet de toilette ; au mot de pemmican rougit, et plus le malheureux s’entêtait à nous apprendre le passage à pied sec d’Asie en Amérique, par soixante degrés de gel, plus la mine de Toulet laissait croire qu’il nous contait là une indigne et discourtoise histoire de femme. Si bien que la transition parut naturelle à Curnonsky et qu’il nous mima le chant d’amour des épouses du Labouan, quand l’amant veut partir par le tramway pour Bornéo et que les maris le retiennent avec des fleurs.

C’était le 14 juillet. Toute l’assemblée monta pour le feu d’artifice sur le toit. Assis dans des transatlantiques, sur la terrasse en tôle comme